Un article qui trace un parallèle entre la chasse au pauvre du XIX aux arretés anti-mendicité..
Des
personnes passent devant un SDF dans une cabine téléphonique à Paris, le 5 novembre 2011 En 2009, la pauvreté a encore progressé en France et toucherait, selon l'Insee, plus de 8 millions de Français. Depuis, de nombreux
indicateurs laissent penser à une aggravation de la précarité, comme l'annoncent de nombreuses associations caritatives.
Parmi les plus démunis figurent les mendiants et les SDF qui sont régulièrement concernés par des mesures répressives. C'est ainsi que ces dernières semaines, des communes ont décidé de résoudre le problème de l'exclusion en recourant à des arrêtés anti-mendicité.
Au XIXe siècle déjà, les mendiants et les sans-domicile fixe dérangent par leur visibilité dans l'espace public et subissent périodiquement les foudres des autorités. Aujourd'hui encore, le traitement des exclus n'est pas dénué d'apports ou de visées idéologiques. En ce début de XXIe siècle, la question sociale reste centrale. Mais le débat aura-t-il réellement lieu ?
La fréquence des arrêtés anti-mendicité tend à augmenter durant certaines périodes. C'est ainsi que les crises économiques, politiques ou encore financières, favorisent la stigmatisation des exclus et alimentent rumeurs et fantasmes.
A la fin du XIXe siècle, la IIIe République naissante cherche à renforcer son autorité et renforce le contrôle et la surveillance des populations, notamment du fait de la menace anarchiste. La presse écrite assimile alors les mendiants et les vagabonds à de dangereux criminels, les Apaches. Jusqu'en 1994, les mendiants et les vagabonds pouvaient être réprimés par le code pénal.
En sonnant le glas de la criminalisation des ces exclus, le législateur ne s'attendait sans doute pas aux conséquences laissées par ce vide juridique. Cette décision a en effet entraîné un recours plus systématique des communes aux arrêtés anti-mendicité, relançant ainsi la question du respect de certaines libertés individuelles.
Ces arrêtés ne bafouent-ils pas des textes fondateurs de notre démocratie, comme la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou encore la Constitution française ? Le droit de circuler ou de stationner ne semble cependant pas faire le poids face à l'argument du respect de la tranquillité publique.
En octobre dernier, la médiatisation de l'arrêté pris à Marseille par Jean-Claude Gaudin a entraîné de nombreuses réactions d'indignation. Le maire de la deuxième ville de France désigne clairement les Roms qui pratiqueraient une « mendicité active ».
En annonçant que cette mesure est destinée à préserver « la sécurité de tous », les exclus sont assimilés à des délinquants, voire des criminels.
Pour justifier leurs arrêtés anti-mendicité, les élus municipaux s'appuient surtout sur leur rôle de garants de l'ordre public. Rassemblements, nuisances sonores, consommation d'alcool ou encore morsures de chiens sont quelques-uns des arguments utilisés.
Les motifs avancés peuvent être plus douteux. A Argenteuil, Georges Mothron va jusqu'à évoquer une « gêne olfactive » des exclus. Outre l'atteinte au respect de la dignité humaine, en quoi cet argument porterait-il atteinte à l'ordre public ?
Depuis les années 1980, les populations aisées réinvestissent le cœur des villes et influencent sans doute les décisions des municipalités.
En 1830, un maire mosellan nomme un « chasse-pauvre » pour éloigner de sa commune les exclus étrangers. Près de deux siècles plus tard, en 2007, la municipalité d'Argenteuil reconnaît avoir fait l'acquisition d'un gaz destiné à repousser les mendiants et les SDF hors du centre-ville.
Depuis 1994, les interdictions de la mendicité concernent généralement la période estivale, plus propice aux activités touristiques. En effet, certaines communes, notamment les stations balnéaires, cherchent à cacher cette réalité de l'exclusion.
En 2007, la France organise la Coupe du monde de rugby. Certaines associations accusent alors les pouvoirs publics de chasser les exclus autour des stades et vont jusqu'à évoquer « un grand nettoyage social ».
Frederic Troilo
Archiviste et historien en recherche d'emploi