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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 13:25
Le futur agricole d'Haïti selon l'américain Monsanto

La multinationale fait un don de 476 tonnes de semences aux agriculteurs haïtiens. Un « geste humanitaire » pour le moins intéressé.

Un germe de maïs sous une serre Monsanto de Chesterfield, dans le Missouri, le 9 octobre 2009 (Peter Newcomb/Reuters).

Info signalée par un internauteDébut mai, la firme américaine Monsanto, leader mondial des OGM, a annoncé un don à Haïti de 475 947 kilos de graines hybrides de maïs et de légumes. Ils seront distribués pendant douze mois aux paysans haïtiens avec l'aide d'autres multinationales (UPS et Kuehne+Nage). Explications sur le site Internet de la firme :

« Après le tremblement de terre, Monsanto a donné de l'argent pour le redressement d'Haïti mais il était évident que le don de nos produits -des graines de maïs et de légumes de qualité- pourrait faire réellement la différence dans la vie des Haïtiens.

Nous pensons que l'agriculture est la clé pour la récupération d'Haïti sur le long terme. »

L'opération est soutenue par le gouvernement américain puisqu'elle s'inscrit dans le cadre du projet Winner, lancé en octobre dernier par l'Agence américaine d'aide au développement international (USAID) pour aider à construire une nouvelle infrastructure agricole en Haïti.

Bientôt la fin de l'indépendance ?

En Haïti, les paysans accusent Monsanto de vouloir mettre la main sur l'agriculture locale. La vague d'indignation a débuté le 10 mai, initiée par un article du curé Jean-Yves Urfié qui dénonce le « cadeau empoisonné » de Monsanto.

Sa première inquiétude porte sur les graines envoyées par Monsanto, qu'il soupçonne d'être des OGM accompagnés d'herbicides toxiques (les « Roundup »).

Mais le ministre de l'Agriculture Joana Gué dément cette information lors d'une conférence de presse deux jours plus tard. Puis c'est au tour de Monsanto de réfuter sur son site une accusation « erronée ». Jean-Yves Urfié rectifie finalement sa dénonciation.

La seconde inquiétude de Jean-Yves Urfié porte sur la « fin de l'indépendance des agriculteurs » haïtiens :

« En Haïti, il n'y aura bientôt plus que des semences Monsanto. […]

La multinationale fait toute une publicité autour de ce don de semences qui serait un cadeau généreux. Mais les agriculteurs haïtiens qui voudront disposer du droit de resemer pour leurs récoltes futures devront payer des royalties à Monsanto. »

« Un cheval de Troie »

Beverly Bell, coordinatrice de l'association Other Worlds, qui travaille à la reconstruction d'un « Haïti plus juste », explique à Rue89 les enjeux cachés de ce don :

« Le don de Monsanto n'est pas destiné à aider les Haïtiens, c'est un cheval de Troie de la firme dans le but de contrôler le futur agricole d'Haiti.

Après le tremblement de terre, 500 000 personnes ont été déplacées vers la campagne. Des appels aux dons ont été faits pour combler le manque de nourriture.

Il n'est pas surprenant que Monsanto ait profité de l'espace libre pour exploiter les besoins des Haïtiens et exporter ses graines. »

Les paysans devront racheter les graines à replanter

Le tremblement de terre de janvier dernier avait mis en lumière les difficultés de production agricole d'Haïti, qui importe 80% de la nourriture qu'il consomme.

Le don de Monsanto risque de nuire aux projets haïtiens de « souveraineté alimentaire » : une forte production agricole locale pour une consommation locale.

En effet, les graines de maïs de Monsanto ne pouvant être resemées, les agriculteurs devront en racheter à Monsanto les années suivantes.

Une logique de marché inadéquate avec la culture paysanne d'Haïti, comme nous l'explique Ricot Jean Pierre, économiste à la PAPDA (Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif) :

« Les paysans haïtiens ont traditionnellement la capacité de produire et de reproduire leur propre semence, organique et créole, à destination de leur famille et du marché local.

Monsanto veut intégrer les agriculteurs sur un marché qu'ils ne contrôlent pas en matière de qualité de semence et de prix.

Les paysans devront racheter les graines à replanter, les pesticides et les engrais de Monsanto [nécessaires à la productivité de ces graines, ndlr], alors qu'ils n'ont pas de ressources. Monsanto veut faire du paysan haïtien un assisté plutôt qu'un producteur. »

Les agriculteurs n'ont d'ailleurs pas manqué de réagir à l'annonce du don. Le leader du Mouvement paysan papaye (MPP), Chavannes Jean-Baptiste, a qualifié le don de Monsanto de « nouveau tremblement de terre », enjoignant les agriculteurs à brûler toutes les graines de maïs provenant du ministère de l'Agriculture. Une marche de protestation est prévue pour le 4 juin.

Les OGM à suivre ?

Le geste de Monsanto s'inscrit dans une politique d'expansion agressive de la multinationale. La compagnie, qui a vu ses profits reculer de 19% pour le deuxième trimestre de l'exercice 2009-2010, tente d'ouvrir de nouveaux marchés.

Pour l'USAID, ce don ne conduira pas à une main mise de Monsanto sur l'agriculture locale, puisqu'il ne représente qu'une petite partie de l'aide internationale :

« D'autres organisations ont fait des dons de semences, comme Pioneer Hybrid ou le FAO des Nations unies, et le don de Monsanto ne représente qu'une petite portion du total des semences utilisées pendant la saison de croissance.

Le projet Winner s'assure que les graines soient équitablement distribuées aux paysans haïtiens. »

Monsanto pense distribuer ces graines à 10 000 paysans. Pour Beverly Bell, il y a un risque que ces graines hybrides laissent place à des OGM les années suivantes, « comme cela a été le cas dans d'autre pays » :

« Les paysans seront obligés de racheter des graines même si ce sont des OGM. »

Les soupçons sont d'autant plus forts que Monsanto, premier producteur mondial d'OGM, a un lourd passé de pratiques douteuses (agents oranges, pollution des pesticides, absences de tests sur les OGM), sur lesquelles Marie-Monique Robin avait enquêté dans son documentaire « Le monde selon Monsanto ».

En outre, les Haïtiens n'ont pas manqué de remarquer que le directeur général du projet Winne n'est autre que Jean-Robert Estimé, qui fut ministre des Affaires étrangères pendant 29 ans sous la dictature des Duvalier.

Photo : un germe de maïs sous une serre Monsanto de Chesterfield, dans le Missouri, aux Etats-Unis, le 9 octobre 2009 (Peter Newcomb/Reuters).

Source: rue 89

 

(Note d'AL Montpellier) voir aussi un article de CQFD du mois de fevrier:

 

 

 

HAÏTI : LES ORIGINES DU MAL

 
 
 



N 1982, SOUS COUVERT DE LUTTE contre la peste porcine, l’administration Reagan fait pression sur le gouvernement d’Haïti pour qu’il procède à l’abattage massif du porc créole et qu’il importe tout aussi massivement une espèce nord-américaine. Parfaitement adapté aux conditions de vie locale, utilisé aussi bien comme plan d’épargne ambulant que dans les cérémonies vaudou, le porc créole permettait à l’immense majorité des paysans haïtiens d’assurer une économie de subsistance largement fondée sur le troc. L’arrivée des porcs blancs du Midwest – gros consommateurs d’eau potable de bonne qualité (à laquelle 80 % du peuple n’a pas accès), d’aliments spéciaux et de produits sanitaires made in USA, surnommés « pieds de quatre d’à de prince » (princes quadrupèdes)– entraîne la ruine d’une grande partie de la population rurale, contrainte à l’exode vers les bidonvilles de la capitale et des autres villes. On vient de voir les conséquences de cette urbanisation à l’arrachée dans le bilan catastrophique du séisme du 12 janvier dernier. Mais l’invasion des porcs américains a eu un précédent : celle des marines US en 1915.

Fidèle à la doctrine Monroe (1823), qui entend soustraire aux appétits impérialistes des puissances européennes le pré-carré constitué par l’Amérique centrale et les Caraïbes, la Maison Blanche cherche à stabiliser les pays de la région. Après avoir liquidé les derniers vestiges de l’hégémonie espagnole à Cuba et Porto Rico, et sécurisé –grâce à des raids en Colombie (création de l’État de Panama, 1903) et au Nicaragua (1912)– le chantier d’un canal aussi meurtrier (25 000 morts) que stratégique, l’oncle Sam fait des Caraïbes sa Mare Nostrum en envoyant un corps expéditionnaire occuper Haïti puis Saint-Domingue, sur l’île d’Hispaniola. Le colonel de cavalerie Roosevelt (Teddy), président de 1901 à 1909, avait été clair en parlant de diplomatie du gros bâton (big stick) : les USA doivent mener des « interventions préventives » et assurer un « pouvoir de police internationale » pour défendre leurs intérêts partout dans le monde. Au diable les références à la démocratie et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui, à l’origine, accompagnaient le discours de Monroe ! Ce qui n’a pas empêché une obscure académie scandinave d’attribuer, en 1906, un prix de pacifisme au bon vieux cowboy Roosevelt (toute ressemblance avec un Nobel récent etc., etc.).

Mais revenons sur l’île d’Hispaniola, où le gouvernement américain tente de récupérer, depuis 1910, les intérêts financiers et économiques des Français. En effet, les Haïtiens ne se sont pas complètement débarrassés de la tutelle hexagonale en 1804, lorsque Dessalines, le lieutenant de Toussaint Louverture, boute le dernier grognard hors du pays et proclame la naissance de la première république noire. Vingt ans plus tard, une flotte française vient exiger le paiement d’une énorme rançon pour les plantations et les esclaves abandonnés par les colons, en échange d’une reconnaissance en bonne et due forme de la République haïtienne. En 1910, dans un geste désintéressé qui l’honore, l’administration Taft lui octroie un prêt afin qu’elle rembourse sa dette internationale. Le cercle vicieux de l’endettement est enclenché et plonge le pays dans de graves troubles politiques – pas moins de sept présidents assassinés en six ans. Tout est désormais bien en place pour légitimer une occupation longue de vingt ans par les Zetasini.

Le moins que l’on puisse dire c’est que leur action en général et celle des marines en particulier n’a pas laissé un bon souvenir. Dès 1919, les cacos, paysans insurgés autour de Charlemagne Péralte, affrontent avec des moyens dérisoires les mitrailleuses et les canons des as du « chef, oui chef ». Bilan : 6000 morts. Pour quadriller le pays, les troupes d’occupation forment un corps de supplétifs, futurs tontons macoutes au service des dictateurs Duvalier père et fils, en organisant la ségrégation raciale entre « nègres » et mulâtres ce qui aggravera durablement les dissensions au sein de la population. Pour développer le pays, il faut des infrastructures et notamment des lignes de chemin de fer. Qu’à cela ne tienne ! Les marines organisent des camps de travail forcé dans lesquels 5 500 Haïtiens vont mourir sous les coups de leurs geôliers. Enfin, par un changement constitutionnel imposé, les autorités étasuniennes livrent les terres aux riches planteurs de café et de canne à sucre, ce qui a pour effet de détourner une grande partie du secteur agricole des cultures vivrières.

On peut dire que son statut de première république noire des temps modernes, Haïti l’a payé cher et continue de le payer. Les interventions récentes (1994, 2004, 2010) de l’armée US, une fois les masques humanitaires tombés, poursuivent le même objectif : éviter la contagion. Hier, celle des esclaves révoltés, aujourd’hui celle des pauvres prêts à aller chercher le pognon là où il se trouve.

Article publié dans CQFD n°75, février 2010

 

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