Avec la crise, l'extrême droite et les idées fascisantes se developpent, en France et dans les autre pays européens. En Grèce un groupe à des années lumières à droite de FN risque de rentrer au parlement...
Athènes, des groupes d'extrême droite patrouillent dans certains
quartiers et passent à tabac les migrants, accusés de contribuer à
l'insécurité et de voler le travail des Grecs.
Les mouvements d'extrême droite semblent profiter de la crise
économique, sociale, politique et identitaire qui frappe la Grèce, 38
ans après la chute de la dictature des colonels (1967-1974). A
l'approche des élections législatives du 6 mai, leur poussée inquiète
les partis traditionnels.
En Grèce, l'un des effets de la crise est la montée incontestable
de l'extrême droite. Créditées à 8% dans les sondages, les deux
formations qui la composent, LAOS et L'Aube dorée, devraient même entrer au parlement lors des prochaines élections législatives, le 6 mai.
"A la chute de la junte, en 1974, l'extrême droite était
quasi-inexistante, composée de quelques monarchistes et de nostalgiques
du régime des colonels. Il existait un vide dans le paysage politique
grec jusqu'à la création du LAOS (ou 'alerte populaire orthodoxe') en
2000", explique Michalis Spourdalakis, professeur de sciences politiques à l'université d'Athènes.
La collaboration du LAOS [au gouvernement] a conduit ses
électeurs à se rapprocher d'un parti bien plus dangereux, L'Aube dorée
Le LAOS est proche de la "droite populiste" d'Europe du Nord, notamment du Front national en France et de la Ligue du Nord en Italie. Le parti prône l'arrêt de l'immigration, s'oppose à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et à la reconnaissance de la Macédoine sous son nom actuel, appellation qu'il considère comme faisant partie
de l'histoire grecque. En 2000, ses sympathisants ont manifesté contre
la disparition de la mention de l'origine religieuse orthodoxe sur les
papiers d'identité. Deux ans plus tard, à la surprise générale, le
mouvement avait rassemblé 13,7% des voix aux élections municipales dans
la circonscription d'Athènes-Le Pirée. Refusant l'étiquette d'extrême
droite, son dirigeant charismatique, Georges Karatzaféris, avait engagé, en 2007, les membres à signer une charte s'opposant "à tout phénomène
de racisme, d'intolérance et d'antisémitisme".
Une organisation paramilitaire sévit à Athènes
En novembre 2011, l'extrême droite a fait un retour remarqué dans le
gouvernement d'union nationale: deux députés du LAOS, Makis Voridis et
Adonis Georgiadis, ont été nommés respectivement ministre des Transports et secrétaire d'Etat au Développement et à la marine marchande. A la
signature du second plan de redressement, en février dernier, le parti a décidé de quitter le gouvernement. Pour
Michalis Spourdalakis, "la collaboration du LAOS l'a affaibli et a
conduit ses électeurs à se rapprocher d'un parti bien plus dangereux,
L'Aube dorée (Chryssi Avgi)".
L'Aube dorée est un parti néo-nazi dont le symbole ressemble à
une swastika. Anti-européen, xénophobe, machiste, il se réfère plus à la Grèce antique qu'au monde germanique et exploite, d'ailleurs, le
sentiment anti-allemand qui se répand dans la société grecque en raison
de l'intransigeance de Berlin sur la mise en oeuvre des mesures
d'austérité. Les leaders du parti prétendent qu'ils sont soutenus par 12 000 personnes.
Ces chasses aux étrangers se déroulent dans la quasi-impunité
L'Aube dorée est bien connue des Grecs: cette formation
politique est, en fait, l'émanation d'une organisation paramilitaire qui sévit dans le centre d'Athènes depuis le début des années 2000. Autour
de l'église d'Agios Panteleimonas, des miliciens s'en prennent
régulièrement à des immigrés. En septembre dernier, un jeune Afghan
avait même été poignardé dans ce quartier. Le procès des agresseurs ne
cesse d'être reporté... Ces chasses aux étrangers se déroulent dans la
quasi-impunité. "Beaucoup de policiers sont eux-mêmes membres de l'Aube
dorée", précise Michalis Spourdalakis. Le ministre de la Protection du
citoyen, Michalis Chrysochoidis, affirme que, lors de sa prise de fonction en 2009, il avait appris que
"des partisans de l'Aube dorée et un certain nombre de fascistes
préparaient des actions pour assister la police".
"Refaire d'Athènes une ville grecque"
Selon Michalis Spourdalakis, "l'organisation a trouvé le bon moment pour
opérer sa transformation en parti politique. Elle avait le public pour,
surtout dans ces quartiers du centre d'Athènes". En novembre 2010,
Nikolaos Michaoliakos, chef du mouvement, a été élu au conseil municipal d'Athènes avec le slogan: "Refaire d'Athènes une ville grecque".
La crise économique a provoqué un véritable chamboulement de la scène politique
Neuf clandestins sur dix passent par la Grèce pour pénétrer dans l'Union Européenne. En raison de sa position géographique, le pays a vu affluer, ces
dernières années, des immigrés de Moyen-Orient et d'Afrique
subsaharienne. Beaucoup ne souhaitent pas rester, mais se retrouvent
bloqués à Athènes en raison de la réglementation européenne. L'Aube
dorée "s'est faite une place sur la scène politique parce qu' il n'y
avait pas de politique d'immigration en Grèce. Pendant des années, il
n'y avait pas de refuges, pas de contrôle des papiers, pas d'aides
médicales", souligne Michalis Spourdalakis. La situation dans la
capitale a empiré avec la crise car ces migrants ne trouvent pas de
travail. La criminalité ne cesse d'augmenter et ils sont montrés du
doigt par l'extrême droite. Elias Kasidiris, un des dirigeants de l'Aube dorée, propose même de réinstaller les champs de mines anti-personnel à la frontière avec la Turquie pour stopper définitivement l'arrivée des clandestins.
La montée de ce parti néo-nazi, à quelques semaines des
élections législatives, a poussé les partis traditionnels à prendre
position sur le sujet de l'immigration. Michalis Chrysochoidis, ministre (socialiste) de la Protection du
citoyen, a annoncé l'ouverture prochaine de centres de détention pour
les immigrés illégaux. Andreas Loverdos, Ministre de la Santé, a, quant à lui, provoqué une polémique: les sans-papiers devraient désormais
passer des examens médicaux pour les maladies contagieuses. Le LAOS
s'est déclaré favorable aux "expulsions massives d'immigrés illégaux,
seule condition à la reprise économique du pays".
"Le besoin des Grecs de retrouver une fierté nationale"
L'Aube dorée exploite, surtout, le mécontentement et le repli identitaire liés à la crise. "La crise économique a provoqué un véritable chamboulement
de la scène politique. Les Grecs s'éloignent des partis traditionnels.
Les électeurs qui votent pour l'Aube dorée ne connaissent pas son
programme... C'est un vote protestataire", commente Michalis
Spourdalakis. Le mouvement séduit par son refus de payer les dettes, par son projet de nationalisation des banques et sa volonté de sortir de la zone euro. Selon le professeur de sciences politiques, le parti "joue
aussi sur le besoin des Grecs de retrouver une fierté nationale, mise à
mal par la crise".
L'extrême droite ne cesse de gagner du terrain en Europe ces dernières années et
l'action de milices, rattachées à des partis néo-nazis, n'est pas une
exception grecque. En Italie, un militant du mouvement d'extrême droite, CasaPound, avait, en décembre dernier, tué deux vendeurs ambulants sénégalais à Florence. En Hongrie, la milice du parti néofasciste Jobbik, "la Garde hongroise", pratique
la chasse aux Roms
dans le Nord-Est du pays où la communauté est la plus importante.
REUTERS/Yiorgos Karahali